Vous êtes en train de naviguer quand soudain vous entrez en collision avec un autre navire, engin ou personne, vous vous échouez ou vous talonnez. Vous abîmez votre embarcation, celle d’un autre, ou les deux. Plus grave, vous pouvez être impliqué dans un accident corporel, victime ou responsable de blessures subies par une personne qui était à bord. Vos membres d’équipage peuvent être blessés. Ces différents types d’accidents sont qualifiés d’évènements de mer.
Vous êtes impliqués, en tant que victime ou responsable, dans un évènement de mer ? Vous trouverez ici tout ce qu’il vous faut savoir.
Quels sont les différents évènements de mer ?
1. L’abordage
L’abordage est un choc accidentel entre deux navires. Les articles L5131-1 à L5131-7 du Code des transport régissent les abordages, de leur définition aux conditions de réparation des dommages causés, en passant par la délimitation de la responsabilité des accidentés.
Si un navire cause des dommages à un autre sans qu’il y ait d’abordage, de collision entre les deux bateaux (par une forte vague générée par un passage trop proche par exemple), le navire en faute sera susceptible de faire l’objet de demandes de réparation des dommages causés dans les mêmes conditions que l’abordage. Ce principe est fixé par l’article L5131-7 du Code des transports.
L’abordage peut également avoir lieu entre un bateau et un « Ofni »[1] tel qu’un tronc d’arbre ou un morceau de bateau ou encore un conteneur tombé à l’eau.
2. L’échouage
Un échouage a lieu lorsque le bateau s’échoue, c’est-à-dire lorsqu’il s’immobilise sur le rivage ou un haut fond. Le fait de s’échouer pour un bateau peut être volontaire ou involontaire.
Certains bateaux, tels que les semi-rigides, sont adaptés pour « beacher », mais encore faut-il assurer une manœuvre correcte pour pouvoir repartir après la pause sur la plage.
La manœuvre est difficile voire impossible pour les voiliers, dériveurs ou quillards et le bateau ne peut plus bouger sans assistance extérieure. Il risque alors de subir des avaries sur la coque ou les embases des moteurs.
On parle alors d’échouage : il s’agit d’un véritable évènement de mer et les dégâts peuvent être importants, tant matériellement qu’humainement.
3. Le talonnage
Similaire à l’échouage dans le fait qu’il implique la collision entre le navire, en général un voilier, et les fonds marin, le talonnage est le fait de toucher le fond de la mer avec la quille du navire, provoquant le ralentissement voir l’arrêt soudain et en général violent du navire, stoppé en pleine course.
Le talonnage peut être très grave lorsqu’il a lieu en haute mer, sur des hauts fonds. Le risque de naufrage au large est très sérieux.
Si vous avez subi de tels évènements de mer, voici ce qu’il vous faut savoir.
Les avocats experts en droit maritime du cabinet CAMBRONNE pourront analyser la situation vécue, préconiser les actions à engager pour défendre vos droits et préserver vos intérêts, soit dans le cadre d’une négociation avec votre adversaire ou une compagnie d’assurances, soit en engageant une instance judiciaire devant le Tribunal compétent.
Quelle est la procédure à suivre ?
1. Le message d’alerte
Tout d’abord, rappelons que lorsque survient l’évènement de mer, vous devez immédiatement prévenir les autorités et les secours, par un message adapté à la situation, soit SECURITE, PANPAN voire MAYDAY lorsque les vies sont en danger.
C’est le cas en cas de voie d’eau importante, à bord.
Le message d’alerte passé par VHF sur le canal 16 ou par téléphone au 196, mobilise les secours : la préfecture maritime, le CROSS et la SNSM seront alertés, ainsi que les bateaux alentours.
Tous les marins (plaisanciers et professionnels tels que les pêcheurs) et toutes les embarcations (tous types de bateaux, mêmes les paquebots de croisières) sont concernés en cas de sauvetage :
Le principe, c’est que la vie d’une personne n’a pas de prix et le sauvetage de la vie humaine est gratuit.
En revanche, le sauvetage d’une embarcation a un coût qui sera facturé.
2. Rapport de mer et constat amiable
Une fois le danger passé, une fois que vous maitrisez la situation et que celle-ci ne présente plus de risque immédiat ni pour vous ni pour les autres, que votre bateau, son équipage et ses passagers sont en sécurité, procédez à la rédaction d’un rapport de mer.
C’est au skipper qui est le capitaine du navire, de rédiger ce rapport et de le signer.
Il vous faut rapporter précisément l’évènement que vous avez subi, avec le plus de détails possibles. Cela permettra aux personnes n’ayant pas assisté à l’accident, notamment votre assureur, de bien comprendre ce qu’il s’est passé et de déterminer avec certitude le ou les responsables.
L’article L5281-1 du Code des transports demande à tout capitaine ayant subi un évènement de mer de transmettre rapidement son rapport de mer au directeur interrégional de la mer responsable du service dans le ressort duquel il se trouve lors de l’évènement.
De même que lors d’un accident de la route, dressez un constat amiable avec la ou les autres parties impliquées dans l’évènement de mer. Il doit permettre d’identifier les causes de l’accident et ses conséquences et de connaître l’identité des autres bateaux et personnes impliquées.
Si vous seul avez subi un évènement de mer (échouage ou talonnage), il peut être judicieux de recueillir des témoignages ou attestations sur l’honneur écrits des personnes présentes sur le bateau lors du choc afin de conforter vos déclarations.
3. La déclaration à l’assurance
Une fois votre rapport de mer rédigé, utilisez-le pour déclarer le sinistre à l’assureur de votre bateau afin d’être indemnisé des dégâts causés et des frais générés par l’accident.
Attention, selon l’article L 113-2 du code des assurances, la déclaration de sinistre doit être immédiate et faite au plus tard 5 jours après l’évènement, sous peine de forclusion avec déchéance des garanties.
Votre assureur vous demandera de remplir une déclaration de sinistre, où vous reporterez toutes les informations relatives à l’évènement de mer que vous avez déjà inscrites dans votre rapport de mer.
L’assureur pourra mandater un expert, chargé de constater les dégâts et de fournir une analyse technique des circonstances de l’accident.
Si votre assurance ne s’en charge pas, il est conseillé d’en consulter un. Son expertise vous sera utile dans la résolution du litige, notamment si la résolution amiable échoue et que vous allez devant le Tribunal pour obtenir réparation.
4. La procédure contentieuse
Si vous ne trouvez pas de terrain d’entente avec les autres parties impliquées dans l’abordage, il vous faudra entamer une procédure contentieuse afin d’obtenir la réparation qui vous est due.
Vous disposez de deux ans à partir de la date de l’évènement litigieux pour intenter une action en réparation des dommages, tel que le fixe l’article L5131-6 du Code des transports.
En matière de transport maritime, le délai est même raccourci à 1 an.
Si une procédure au Tribunal Judiciaire ou devant le Tribunal de Commerce est entamée, vous devrez obligatoirement vous faire assister d’un avocat. N’hésitez pas à contacter nos avocats experts dans ces procédures.
Si vous êtes à l’initiative du recours judiciaire, votre avocat engagera la procédure par une assignation à comparaitre notifiée à vos adversaires par un huissier de justice.
Cette assignation est le point de départ de la procédure.
Puis chacun disposera d’un délai pour répondre aux arguments des autres, dans le respect du principe du contradictoire.
Si vous êtes dans la position de celui qui est attaqué au Tribunal, vous devez également charger un avocat de défendre vos intérêts et développer une défense argumentée juridiquement pour assoir votre position et défendre vos intérêts.
Quelle sont les conséquences d’un évènement de mer ?
La réparation, par l’indemnisation, des différents préjudices générés par un évènement de mer se fait selon la part de responsabilité des personnes impliquées. Ainsi, pour un abordage dans lequel les deux navires sont également responsables, chacun supportera ses propres préjudices.
L’article L5131-3 dispose qu’est tenu de réparer les dommages causés par l’abordage, celui qui l’a causé par sa faute.
Les règles qui permettent de déterminer la part de responsabilité de chacun dans l’évènement de mer sont notamment celles du RIPAM, règlement international pour prévenir les abordages en mer, que tout marin se doit de respecter.
1. Le préjudice matériel
Le préjudice matériel constitue une atteinte au patrimoine, en cas de dégradation ou de destruction d’un bien par exemple.
Pour obtenir la réparation d’un préjudice matériel, vous devrez démontrer la présence d’une faute et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice qui en résulte.
2. Le dommage corporel
Le dommage corporel se définit par une atteinte à l’intégrité physique d’une personne.
Les victimes de dommage corporel ont par principe droit à une indemnisation, sur la base notamment de l’article 1240 du Code civil.
En droit, le préjudice doit être actuel, direct et certain.
C’est-à-dire qu’il est nécessaire de prouver que votre dommage corporel a pour origine directe l’évènement de mer et qu’il n’est ni hypothétique ni probable mais au contraire bien réel.
Il est également un principe, c’est que seule la victime du dommage corporel pourra réclamer son indemnisation car elle seule a qualité et intérêt à agir en justice.
La preuve de vos préjudices se fait par les écrits dont vous disposez : il est indispensable de collecter un maximum d’éléments probants et tous types d’écrits est pertinents : les rapports plus ou moins formels, les déclarations spontanées, les témoignages …
Autant d’éléments qui permettront à votre avocat de « construire » votre dossier et votre défense et au juge de se forger son intime conviction sur les circonstances de votre accident et sur les responsabilités encourues.
3. Le préjudice moral / psychologique[2]
Le pretium doloris ou « prix de la douleur » c’est l’indemnisation du préjudice moral.
Tout accident, tout évènement de mer peut entrainer des pertes : soit physiques suite à une blessure, soit matérielles parce que votre bateau a été endommagé.
L’évènement de mer peut également être traumatique car vous avez cru être perdu, ou mourir.
Vous pouvez aussi souffrir d’un préjudice moral en raison des blessures subies par vos proches.
Dans chacun de ces cas, le préjudice psychologique peut être invoqué devant un Tribunal afin d’obtenir une indemnisation. Il doit être justifié par des attestions de professionnels tels que des certificats médicaux, qui doivent démontrer que l’évènement de mer a généré un traumatisme psychologique. Le lien de causalité entre l’évènement et les séquelles doit être avéré.
4. Le dommage à l’environnement
L’article 1246 du Code civil a introduit la notion de préjudice écologique qui consiste en une atteinte à l’environnement. Il doit être réparé prioritairement en nature, c’est-à-dire en remettant le lieu impacté dans l’état dans lequel il se trouvait avant l’évènement qui l’a dénaturé. Seules les associations de protection de l’environnement et administrations publiques peuvent invoquer ce préjudice devant la justice.
Si vous avez observé des dégâts sur l’environnement suite à un évènement de mer, vous pouvez alerter les autorités ainsi que des associations de protection de l’environnement qui pourront agir.
Les avocats du cabinet CAMBRONNE, experts dans les affaires maritimes, se tiennent à votre disposition pour toutes précisions complémentaires.
[1] Objet Flottant Non Identifié.
[2] Par son arrêt n°16-28392, Civ 2 du 18 janvier 2018, la Cour de cassation distingue « le préjudice moral » du « préjudice psychologique ». Conformément au principe de réparation intégrale, qui interdit les doublons indemnitaires, la Haute juridiction a réaffirmé la singularité inhérente à chacun ces deux préjudices.